Digitalisation des codes sociaux et impact auprès des jeunes commerciaux

Une grande partie des ventes B2B ont traditionnellement consisté en des rencontres personnelles. On se rencontre, on se serre la main, on discute des problèmes et on trouve des solutions. Les réunions physiques ont souvent été nécessaires pour établir des relations et créer la confiance entre vendeurs et acheteurs. Mais cette situation est en train de changer. Nous assistons aujourd’hui à une évolution où certains, notamment les jeunes, pensent que les réunions ou même les appels téléphoniques sont difficiles à gérer et perturbants, et préfèrent les relations virtuelles.

Ils veulent plutôt utiliser les outils digitaux pour créer des contacts et établir des relations. Par conséquent, nous constatons une évolution vers des relations plus virtuelles. Si certains sont encore fortement tributaires des rencontres physiques pour prendre des décisions professionnelles importantes, de nombreux jeunes trouvent évident que cela peut se faire tout aussi bien en ligne, et se rencontrer en réalité leur semble inutile.

L’essor des relations virtuelles

Prenons l’exemple de l’entreprise de casques audio Headler. Elle est dirigée par les entrepreneurs Anton Johansson et Eric Martinsson. Ce qui les différencie des autres, c’est qu’il s’est écoulé près de trois ans entre le lancement de leur entreprise et leur première rencontre physique. En fait, ils ne savaient pas à quoi ressemblait l’autre ni comment sonnait sa voix, car ils n’avaient même jamais parlé au téléphone. Jusqu’alors, toute la communication se faisait par le biais de chats.

L’une des raisons de cette évolution est, bien entendu, l’utilisation accrue d’Internet et des téléphones portables. Il est évident que le temps que nous passons sur internet augmente ; au cours des dix dernières années, ce temps a presque quadruplé. En moyenne, les jeunes de 16 à 25 ans passent 5 heures et 26 minutes par jour en ligne. Cela équivaut à un tiers de leur temps d’éveil. Et ce n’est qu’un début. 79 % des enfants de deux ans utilisent internet.1

« Si les activités sociales basculent dans les mondes virtuels, l’activité économique suivra sûrement. »

Edward « Ted » Castranova, professeur, Université de l’Indiana

En conséquence, de nombreux jeunes ont des difficultés à interpréter les codes sociaux, et certains n’ont pas les mêmes habitudes et compétences sociales pour gérer les rencontres physiques avec des personnes qu’ils ne connaissent pas. Les jeunes s’habituent très tôt à acheter en ligne et à recevoir une boîte livrée à domicile – un comportement qu’ils emmènent probablement avec eux sur leur lieu de travail. Et cela ne s’arrête pas là. Nous apprenons que la plupart des choses de la vie peuvent être gérées par nous-mêmes, sans contact. Dans de nombreux cas, le contact humain est supprimé.

Même les services secrets anglais, le MI6, luttent contre les conséquences de cette évolution. Ils éprouvent de plus en plus de difficultés à recruter de nouveaux agents secrets.2 Le problème est que les jeunes candidats à la recherche d’un emploi ont des difficultés à interpréter les expressions faciales et à gérer les interactions sociales – ce qui est essentiel pour survivre si l’on travaille comme infiltré ou « sous couverture ».

L’avenir des relations vendeur-acheteur et des codes sociaux

Ce n’est pas un hasard si une part croissante des ventes se fera sans contact humain, sans réunion physique. Auparavant, on organisait des réunions avec les clients pour présenter les nouveaux produits. Aujourd’hui, les clients ont déjà fait des recherches sur Google et demandent directement : « Est-ce que vous offrez ces choses ? Ils sont au courant des produits et de ce qui est proposé par d’autres. Nous ne pouvons que spéculer sur les canaux qui existeront à l’avenir – et sur ceux que les clients préféreront.

Mais tout semble indiquer que le virtuel a et aura un poids de plus en plus considérable pour nouer de nouvelles relations.

L’exemple le plus clair est sans doute que de plus en plus d’entreprises utilisent les fonctions de chat pour établir des relations avec leurs clients. L’un des avantages du chat est qu’il réduit la nécessité d’une assistance téléphonique. Les clients qui chattent peuvent également faire plusieurs choses en même temps, contrairement à un appel téléphonique qui peut être ressenti comme long et fastidieux. Pour les entreprises B2B, la part des transactions conclues est multipliée par trois pour les clients qui choisissent également de chatter avec un représentant du service clientèle.

Les clients reçoivent des réponses directes à leurs questions, ce qui augmente également leur satisfaction. Les solutions plus avancées peuvent inclure des fonctions telles que le partage d’écran ou la possibilité de transférer le chat vers une conversation téléphonique si nécessaire.

Mais, bien entendu, le chat n’est pas la seule solution. Parmi les jeunes de 16 à 25 ans, plus de 70 % utilisent Facebook, Instagram et Snapchat – tous les jours.3 De plus en plus d’entreprises commencent à utiliser ces canaux pour établir des relations avec leurs clients. Facebook devient de plus en plus populaire comme canal pour les contacts avec les clients, tout comme leur variation Spaces, où l’on peut mettre en œuvre des réunions virtuelles avec des lunettes VR. Même les entreprises traditionnelles, comme General Electric, tentent d’inciter les jeunes à s’intéresser davantage à la science et à l’innovation via l’application de messagerie Snapchat, où elles ont notamment fait appel à l’astronaute Buzz Aldrin.

Il en résulte qu’en tant que fournisseur, mieux vaut comprendre comment les clients veulent communiquer. En cartographiant leurs préférences, on peut travailler ensemble pour trouver les meilleures formes possibles pour construire une relation efficace. Si l’évolution actuelle des relations virtuelles se poursuit, les réunions de vente physiques pourraient être considérées à l’avenir comme un luxe rare et inhabituel, voire totalement inutile.

En tant qu’entreprise, il est important de comprendre les besoins d’une future génération de commerciaux totalement digitalisés. Selon une étude de Manpower, seuls 25 % des jeunes pensent que leurs besoins technologiques sont satisfaits sur le lieu de travail. La moitié d’entre eux pensent que leurs patrons ne comprennent pas comment ils utilisent la technologie au travail. Empêcher ou ne pas reconnaître l’utilisation des nouveaux canaux de communication risque d’être contre-productif. Ce serait comme avoir interdit l’utilisation du téléphone au travail lors de son introduction.

Références

1 La Fondation suédoise pour Internet (2016).
2 Ridell, M. et Bruhn, L. (2016). Le corps ne ment jamais : l’art de parler le langage du corps. Stockholm : Lava.
3 La Fondation suédoise pour Internet (2018).

Page mise à jour : Janvier 2022